Séminaire - Des droits de la nature dans le Sud global
mar. 07 mai
|ENS - Campus Jourdan
Franck Tumusiime (Advocates for Natural Resources and Development, Uganda) Entretien collectif : L'Ouganda, pays pionnier sur le continent africain : héritages nationaux et perspectives futures pour l'implantation locale des droits de la nature
Heure et lieu
07 mai 2024, 16:00 – 18:00
ENS - Campus Jourdan , 48 Boulevard Jourdan, 75014 Paris, France
À propos de l'événement
Horaires : Mardi de 16h à 18h Salle Roncayolo (campus Jourdan)
Solène Rey-Coquais et Sacha Bourgeois-Gironde Contact : solene.rey-coquais@ens.psl.eu
L’actualité de la notion de « droits de la nature » s’est imposée dans le débat scientifique international, en droit comme en sciences sociales, depuis plusieurs années. Aux questions de la définition et de la traduction juridique du concept, de sa portée anthropologique et épistémologique, se sont ajoutées celles de son effectivité et de sa traduction territoriale, dans différents contextes socio-spatiaux. Le dialogue entre le prisme juridique, attaché aux textes, et les méthodes ethnographiques, sociologiques et géographiques, dédiées aux « contextes », apparaît comme une condition essentielle de son analyse.
Malgré les origines en grande partie états-uniennes de la notion, tant dans son émergence théorique que jurisprudentielle, les droits de la nature se trouvent aujourd’hui revendiqués et juridiquement incarnés par plusieurs espaces du « Sud global », marqués tant par les pratiques extractivistes intensives et la dégradation accélérée de leurs écosystèmes que par de rapides innovations en termes de régulation environnementale depuis la fin des années 1990. L’Équateur est pionnier dans l’inscription constitutionnelle de droits de la nature en 2008, suivi par la Bolivie en 2010. Depuis, d’autres pays des « Suds » ont suivis, parmi lesquels la Colombie, l’Inde, le Bangladesh et plus récemment l’Ouganda en 2019. Nous proposons ainsi dans ce séminaire de nous attacher à comprendre les transpositions et les réappropriations, par les « Suds », d’un concept a priori ancré dans la post-modernité occidentale, mais qui manifeste aujourd’hui une vision post- coloniale et contre-hégémonique des relations société-environnement. Au travers d’une collaboration entre géographie, droit, et sciences sociales, nous souhaitons accorder une place particulière aux lieux dans l’émergence et la définition d’un concept devenu l’incarnation d’un « global transplant ».
Ce séminaire, pleinement transdisciplinaire, sera articulé en trois phases exploratoires. Tout d’abord, nous interrogerons les intrications entre politiques de développement et ancrage de ces nouveaux droits de la nature dans les régulations environnementales nationales. Nous aborderons à cette occasion la spécificité des problématiques associées à la notion dans des contextes dits « des Suds » et questionnerons à la fois les interlégalités issues des coexistence entre divers systèmes normatifs et les possibles conflits émergeant entre ndroits de la nature et droits humains. Ces conflits pourront être envisagés au niveau théorique et normatif – au travers de la remise en cause, notamment, de la hiérarchie des normes - et sur le plan pratique – au travers de certains paradigmes territoriaux tels que, par exemple, ceux liés au green colonialism. Un second moment du séminaire sera dédié au processus de construction des droits de la nature, aux acteurs impliqués et aux différentes stratégies juridiques mises en œuvre (jurisprudence, réglementation, constitutionnalisation…). Nous nous intéresserons en particulier aux moments et situations territoriales, notamment conflictuelles, dans lesquels les récits et les relations de pouvoir entre acteurs se cristallisent dans une inscription juridique de nouveaux droits pour des entités naturelles. Enfin, un troisième moment sera dévolu à la question de la productivité géographique des droits de la nature, au travers d’une analyse portant sur la personnalité et l’identité de leurs objets : dans quelle mesure l’attribution de droits à une entité naturelle contribue-t-elle à faire apparaître de nouveaux ensembles écosystémiques, paysagers, territoriaux et cartographiques, participant ainsi à la modification ontologique de son objet ?